Marque notoire : une reconnaissance difficile

Il existe une voie exceptionnelle pour s’opposer à l’enregistrement d’une marque sur la base d’une marque non déposée : la marque notoire, à ne pas confondre avec la marque de renommée. Alors que la marque de renommée est une marque déposée ou enregistrée, permettant à son titulaire de l’invoquer au soutien d’une action indépendamment du fait que les produits ou les services soient similaires, la marque notoire n’est pas une marque déposée. La marque notoire constitue une marque opposable à titre de droit antérieur, comme la marque enregistrée, et peut être invoquée au soutien d’une opposition ou d’une demande en nullité d’une marque postérieure. Un récent arrêt de la Cour d’appel rappelle les conditions, appréciée strictement, de la marque notoire, concernant la marque FRANÇOIS VILLON. (Cour d’appel de Paris, pôle 5, 1 re ch., 15 mars 2023, 21/10537)

marque notoire françois villon

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La marque notoire : conditions

La marque doit être notoire au sens de l’article 6 Bis de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle (Code de la propriété intellectuelle, article L 711-3, I, 1° et II, 3°). Cette exception a été prévue pour deux raisons principalement concernant ces signes connus d’une très large fraction des milieux concernés. L’enregistrement ou l’usage d’une marque similaire susceptible de créer une confusion constitue, dans la plupart des cas, un acte de concurrence déloyale, et un tel dépôt peut porter préjudice aux intérêts de ceux chez qui elle crée la confusion.

Afin de justifier de cette notoriété, il convient de :

  • démontrer la connaissance de ce signe à titre de marque par une large fraction du public concerné par les produits et services en cause,
  • sur tout le territoire ou une partie substantielle de celui-ci,
  • au jour de la demande d’enregistrement contestée.

La Cour d’appel a récemment rappelé que ces conditions devaient être établies de façon objective en tenant compte de :

  • l’ancienneté de la marque et de l’intensité de son usage ;
  • l’importance des investissements promotionnels et publicitaires qui lui sont consacrés ;
  • l’ampleur de la diffusion des produits et services couverts par la marque en tenant compte notamment de la part de marché détenue par ces produits et services.

Afin de prouver qu’une marque est notoire, il est particulièrement pertinent de produire un historique justifiant de l’exploitation de cette marque non déposée : des extraits de journaux, de publications, de sites internet ou encore des publicités. Ces éléments doivent permettre de justifier que la marque bénéficie d’une notoriété au jour de la demande contestée.

Une reconnaissance compliquée

La jurisprudence révèle qu’il est relativement rare que l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) reconnaisse la notoriété de la marque non déposée.

Dans l’arrêt rendu le 15 mars 2023 par la Cour d’appel de Paris, la cour a considéré que la preuve de la notoriété de la marque au jour de de la demande contestée n’était pas établie. Si la marque en question était connue et exploitée jusque dans les années 1980, il a été considéré qu’aucun élément n’indiquait qu’elle était encore exploitée ou qu’elle serait encore aujourd’hui connue d’un large public à ce jour.

En outre, il est possible que la notoriété de la marque soit reconnue, sans que le risque de confusion ne soit établi. En effet, la marque notoire n’offre une protection que pour les produits et/ou services pour lesquels le caractère notoire est établi. À titre d’exemple, l’opposition fondée sur la marque non déposée LA FRANÇAISE DES JEUX, invoquée comme notoirement connue, à l’encontre de la demande d’enregistrement portant sur le signe La Française des Yeux, a été rejetée. Bien que la marque non déposée ait été reconnue comme « notoire » pour les jeux, cette notoriété ne s’étend pas aux autres produits et services visés par la marque postérieure (Cour d’appel de Versailles, 12e ch., 30 avril 2020, 2019/07248).

En définitive, le détenteur d’une marque notoire doit s’assurer de son exploitation continue afin de pouvoir faire valoir son droit lors d’oppositions ultérieures. Notre cabinet d’avocats, spécialisé en droit des marques, vous accompagne pour faire valoir vos droits.

Stéphane Bellec avocat propriété intellectuelle

Stéphane Bellec, associé 
Charlotte SCETBON, élève avocate
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